Deux personnes transgenres discutent de leur sort. L’une a décidé de mordre à pleine dent sa transidentité tandis que, pour l’autre, il est plus difficile de s’épanouir. « Tu as beaucoup de chance » confie cette dernière, sans doute sincère mais aussi très naïve. Ce dont elle ne se doute pas, et ce que beaucoup de personnes ne savent pas, c’est que la transidentité n’est qu’une question de choix. La chance n’a pas beaucoup de place dans un parcours « T » sauf quand on fait le choix de la provoquer.
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Transidentité : pourquoi moi ?
Il y a un choix que l’on ne fait pas et c’est pratiquement le seul : celui de naître transgenre. Ça pourrait être pire mais il n’empêche qu’un « T » qui se découvre se posera l’impérissable question : pourquoi ? Ça tombe sur vous, ça tombe sur moi, arbitrairement, sans que l’on ne puisse protester. À la révolte succède le fatalisme : c’est comme ça, on n’a pas le choix, la vie est tout simplement injuste.
D’une manière ou d’une autre, il faudra vivre avec. Tout le reste nous appartient : choisira-t-on de subir sa transidentité ou, au contraire, s’en servira-t-on pour s’épanouir ? Vivra-t-on pour faire plaisir aux autres ou pour être soi-même ? Favorisera-t-on une bonne image de soi ou le bien-être intérieur ? La vie de « T » se ponctue de ces choix.
Les choix de la transidentité
La plupart de ces dilemmes, c’est parfois difficile de l’admettre, naissent des barrières psychologiques que l’on a en nous. Pour des actions ou des gestes simples, on n’arrive pas à se résoudre à prendre une décision :
- Vais-je ou non franchir le pas de ma porte « en femme » ?
- Dois-je ou non demander conseil à une vendeuse de maquillage ?
- Vais-je ou non publier des images de mon visage féminin sur Internet ?
- Puis-je ou non me travestir aujourd’hui ?
Au-delà de ces palissades imaginaires, il existe tout un tas de bonnes raisons de ne pas faire un choix : « ma femme ne sait pas », « je ne voudrais pas que mon entourage professionnel soit au courant », « que va-t-on penser de moi ». Il n’est pas rare d’entendre ou de lire ces choix puisque, oui, au final, ce sont des choix.
Le choix vous appartient
On peut prétendre autant que l’on veut « ne pas avoir le choix », ce n’est jamais entièrement vrai. Tous ces choix n’appartiennent qu’à nous. Si on préfère embrasser une carrière florissante au détriment de son intégrité, ce n’est que l’une des options qu’offre la vie. Et croyez-le : ce n’est pas toujours la plus raisonnable. On peut aussi choisir de ne pas parler de sa transidentité, de ne pas s’écouter soi-même et de s’en remettre à la chance ; en l’occurrence, à la malchance.
Après tout, c’est souvent ce qu’il se passe, quand on pense que les autres ont plus de chance. C’est possible, c’est parfois vrai, mais pour le savoir, il faut la provoquer. On a de la chance d’être accepté par les siens, encore faut-il choisir de faire ses coming out pour s’en rendre compte. C’est aussi une chance de vivre « en femme » comme on veut, quand on veut. Encore faut-il faire le choix de s’en donner les moyens.
Choisir de ne pas choisir
Bien sûr, rien n’oblige à faire ces choix. Sinon, on n’aurait (justement) plus le choix. Cela dit, « choisir » de vivre sa transidentité, au grand jour, au nez et à la barbe de tous, a aussi des vertus militantes insoupçonnées. Un vieil adage de XXY est que « s’afficher, c’est militer ».
Aujourd’hui, la communauté « T » est toujours une minorité invisible, parce que nous faisons le choix de ne pas nous montrer. Pourtant, lorsque l’on sort, lorsque l’on pointe le bout de son nez dehors, on se rend compte que le monde extérieur n’est pas hostile ni effrayant, il est plutôt indifférent et prêt à accepter toutes les différences.
D’autres minorités avant nous, victimes de violentes discriminations, n’ont pas eu ce choix : elles ont vécu dignement, contre vents et marées, compte tenu de leurs couleurs de peau, de leur poids ou de leurs origines, jusqu’à l’acceptation. Pourquoi nous, transgenres, vivrions-nous reclus, cachés et dans le secret ? Est-ce le meilleur choix que nous ayons à proposer à nos successeurs ?
Choisir la transidentité pour être soi-même
Le plus important est de ne pas laisser nos choix aux autres. C’est après tout notre moyen d’expression, d’action et d’existence en tant que personnes transgenres. Choisir, c’est agir dans un monde qui nous laisse maître de notre destin. Prendre un choix, c’est profiter de sa propre vie car si il y a des choix, il y a de la liberté.
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Très juste.
Nos posons souvent nous même nos propre barrières, j’en ai pris conscience récemment et le monde est bien souvent plus indifférent que ce que l’on s’imagine.
Indifférent, c’est le mot. Ce qui pourrait être intéressant et de filmer avec une caméra embarquée et de se rendre compte combien les gens autour s’en foutent !
Vivre ou pas sa transidentité ?
Personnellement, j’ ai compris sur le tard que je n’ avais finalement jamais eu le choix. Ce sont les barrières psychologiques et sociales qui m’ ont empêché pendant longtemps de voir l’ évidence. Un combat s’ était engagé dans mon cerveau entre la raison et ma conviction intime d’ être une femme. Je regrette maintenant d’ avoir mis si longtemps à comprendre que je devais suivre la raison de mon cœur et non celle de mon cerveau qui freinait des quatre fers. Je pense que l’ évidence est apparue après la mort de mon frère. J’ ai pris conscience que la vie était courte et j’ ai brisé les barrières. Dès lors, tout devenait simple, Sophie sortait de sa cachette aux yeux de tous. Et pour mettre mon corps en adéquation avec mon esprit, j’entamais une transition. Je savais que je m’ engageais sur un parcours difficile mais je vivais comme je l’ avais toujours désiré et non comme les contraintes sociales me l’ avaient toujours imposé. J’ étais moi, j » étais libre…
Je comprends, Sophie. Pour moi, un électrochoc a été un accident de voiture assez violent où tu te dis : « finalement, tout peut s’arrêter comme ça, alors pourquoi ne pas profiter de la vie » ? Bises !
Merci Julien pour cet article, tes sites et ton travail en général. J’adore et je suis d’accord avec tes positions, pleines d’intelligences intellectuelle et émotionnelle.
Sophie, je suis d’accord avec toi car je vis la même chose à tout juste 50 ans. Le conditionnement de notre jeunesse (religieux, éducatif, social, etc) est parfois si fort que nous mettons un temps fou à en sortir, au gré d’évènements divers, et le plus souvent un plus important que les autres. Pour moi, une psychothérapie entamée pour dépression, qui s’est terminée par une révélation simple : Ma transidentité ! Ensuite, quand on a quand même vécu, avec des responsabilités et une visibilité professionnelles importantes, une famille complète, il faut gérer tout ça. J’ai décidé de le faire pas à pas, et ma merveilleuse épouse me soutient en ce sens, malgré ses appréhensions. Depuis ce départ, je commence à revivre, un poids en moins, sans préjuger jusqu’où le parcours me mènera. Même si c’est tard, c’est sans regret car je suis heureuse d’entamer cette nouvelle partie de ma vie et de pouvoir enrichir celle de mes proches (pas comme ils s’y attendent :-)). Bises.
oui c’est vrai, mais c’est valable surtout si ces choix n’impact que nous même, or lorsque tu vis en couple as t-on le droit d’imposer nos choix à notre conjoint? Car que le voulions ou non, si nous faisons le choix du coming out cela va forcément influer sur la vie du conjoint, qui lui n’en fait pas forcément le choix ! lui. As t’on le droit d’imposer un choix qui risque de bouleverser la vie social de la personne avec qui l’on vie… la est la question
A méditer aussi
Bises
Stefi
Bien sûr, c’est tout à fait vrai, mais ça reste un choix. C’est précisément le propos de l’article : prendre le contrôle de sa vie ou la laisser aux autres. On peut choisir, on peut ne pas choisir. Après, il faut savoir aussi accepter de faire des sacrifices et cela, personne n’y coupe… Quel que soit le choix 😉
Cela serait donc une simple question de choix…
« Il vaut mieux lire ça que d’être aveugle ! Ça dure moins longtemps… »
Cette réalité qu’est la trans-identité qui s’adresse à des personnes n’est pas un choix, ça c’est clair ! Mais faire le choix de vivre cela au grand jour, n’est pas une chose que tout le monde peut supporter pour être lui-même ! Il y a des fois, où tout peut se passer à peu près bien.
Vivre sa trans-identité peut se faire chez soi et partout, mais déjà tout dépend du passing du visage de la démarche et de sa tenue vestimentaire. Cependant faire le choix de vivre sa trans-identité au grand jour est trop souvent synonyme d’exclusion, auprès de relations, de la famille et encore plus dans le milieu professionnel. Je connais des trans opéré-e-s depuis des années qui en prennent encore plein les oreilles et autres, pas très souvent l’inverse sauf dans le cas où personne ne décèle rien ou ne sait rien. Il n’y a qu’a remarqué tous les cas de Trans-phobie qui parfois en arrive jusqu’au meurtre.
Vivre sa trans-identité, c’est aussi ce confronté dans le cas de garçon à fille aux mêmes traitements que subissent les femmes, une triste réalité. Pour celle qui passe de femme à homme il n’y a pas ce genre de souci sauf pour ceux qui paraissent un peu efféminé.
Cette notion d’assumer ce que l’on est n’est pas une mince affaire et le choix est bien loin d’être si facile, dans la vie il y a des personnes pour qui c’est impitoyable, comme pour bon nombre de personnes non concernées par le problème de trans-identité… Les différences qui se voient de trop amènent malheureusement, majoritairement du côté des personnes ayant un fort taux de testostérone des réactions qui font que certains choix, pour ce qui est de personnes trans-identaire, et d’autres n’ayant pas le choix pour des questions d’origine, subissent de sacré ‘désagréments, tout comme ceux que peuvent générer une alcoolisation dans des boites de nuits ou un simple regard amène à en découdre et cela peut aller jusqu’à la mort.
Donc assumer certains choix, ce n’est pas oublier aussi certains risques qui vont dans le meilleur des cas à la remontrance ; la raillerie ; être poursuivi-e par de « pauvres idiots » trop content de leur découverte, ou en cas de peu d’affluence se trouver en mauvaise posture fasse à un groupe qui peut devenir menaçant trop content de casser du PD.
Alors oui on peut considérer que se sont ces propres barrières qui nous empêchent de ne pas vivre sa trans-identité à partir au moment où l’on a le moins de risque de se prendre des barrières dans la gueule. La trans-identité, fait bien le ménage autour de soi, tout comme quand on est victime de certaines maladies, mais là ce n’est pas lié à un choix…
Cependant il faut quand même avouer que les choses progressent à tous petits pas, mais il restera toujours un petit village Gaulois ‘Astérix et Péril’
J’en parle à demi-mot dans l’article, mais c’est un choix parce que (surtout) rien n’oblige à le faire. Oui, on risque l’exclusion, on risque la haine, on risque des tas de choses… Comme peuvent le subir gratuitement les obèses, les noirs, les geeks et j’en passe, sans avoir le choix, par contre.
Bises.
Stefi et Sabine, vous avez toutes les deux raison. Oui, vivre notre transidentité au grand jour aura un impact sur notre famille, nos amis et notre vie sociale. Oui, nous risquons de faire de mauvaises rencontres et nous devons affronter le regard des gens. Mais hélas, nous n’ avons pas le choix. Vivre caché, c ‘est mourir à petit feu, c’ est un jour, regretter d’ avoir perdu un temps fou. Les années perdues ne se rattrapent plus. Oui vivre en couple est un obstacle supplémentaire mais il peut être franchi.Oui vivre sa transidentité c’est difficile mais je préfère une vie difficile que pas de vie du tout…
Comme le dit Sophie, il ne faut pas oublier que ne pas vivre sa transidentité peut conduire au suicide, dans le pire des cas…
En ce qui me concerne, j’ai fait le choix de faire passer ma carrière d’abord.
Je le vis bien. Vivre caché, c’est supportable. Peut-être que ça ne durera pas, mais en attendant je ne regrette absolument pas mon choix. Je trouve que personne ne devrait être obligé de choisir entre l’un ou l’autre, mais en ce qui me concerne je veux réussir par moi-même, réaliser mes objectifs, plutôt que de me voir assigner un « destin » lié à ma transidentité. Quoique je décide par la suite, qu’il s’agisse d’embrasser ma féminité ou de continuer ainsi, je me sens maître de mon futur et c’est pour moi le plus important.
Bon courage à vous toutes, quel que soit votre choix.
Merci pour ton témoignage et bon courage à toi, dans tes objectifs !
Bises.
Bonjour, je partage l’idée de se satisfaire à rester « cachée » aux yeux des autres et vivre « clandestinement » sa trans-identité loin des dangers. Seulement, je ne peux m’empercher d’y voir aussi une forme de lâcheté, vis-à- vis de soi-même, et surtout des autres qui ont eu le courage le faire, pour que la société évolue en ce sens, de la diversité et la tolerance.
Bonjour,
Je pense que la clé du problème réside dans le BESOIN d’affirmation et que selon son importance une vie de travesti de salon (expression courante) suffira quand d’autres ne s’en contenteront pas. Quand le besoin d’affirmation est limité on reste dans le registre des envies et des choix: le besoin se manifeste de temps en temps. Il y a des personnes qui sont a la limite entre les genres ou pour qui cette notion reste floue et elles tendront a prendre les dispositions pour pouvoir mettre leur apparence en adéquation avec leur ressenti. Poussé a l’extrême ce besoin ammène une transition transexuelle. L’entourage est souvent un frein important a l’expression de cette envie mais quand ça devient un besoin il ne suffit plus à arrêter la personne. En effet quand on voit la grande diversité des cas il est clair que les arguments employés par certains et qui paraissent crédible n’ont pas suffit pour en arrêter pour d’autres.
Souvent on lit le mot « courage » mais ce n’est pas ça, c’est a un niveau tout différent.
Bien sur obtenir un travestissement convaincant n’est pas facile, et on peut s’attendre a des difficultés, mais cela ne doit arrêter. L’objectif réaliste est de réussir a être considéré comme une femme, pas d’être super féminine (tant mieux quand c’est possible!!). Pour atteindre ces objectifs il faut se donner les moyens efficaces et ne pas rester « dans l’à peu près ». XXY permet de connaitre ces moyens pour réussir.
Tu soulèves un point important, le besoin d’affirmation. Auprès de soi, auprès des autres, c’est crucial, chez certaines et anodin pour d’autres ! Bises.
Tu as raison Ester, plus que du courage, il faut une forme de « résilience » : déconstruction (des stéréotypes, de son éducation, du discours normatif et dominant), reconstruction (quelle personne je souhaite être, qu’est ce que j’emmène de mon passé, qu’est ce que j’abandonne), afin d’être soi-même.
Je soutiens l’idée de courage. Car il en faut pour aller sur le chemin de la connaissance et de l’acceptation de soi-même. Du courage il en faut, pour ouvrir les yeux sur ce qu’on peut devenir. Du courage, qui se traduit aussi dans les choix, (Andromède en parle très bien,) que l’ont faits. Mais, je me demande au fond, si nos choix sont les conséquences complètement de notre volonté ?
vaste interrogation qui nous conduit sur un terrain philosophique et psychanalytique…
En tout cas, du courage pour soulever les interrogations et douter (dans le sens cartésien)
Coucou, je me reconnais un peu dans se que vous avez dits. J’ai aujourd’hui 22 ans et j’ai toujours vécue comme un homme. Malgré quelques fois enfermer dans ma chambre à m’essayer à des vêtements féminin. J’en suis arriver aujourd’hui à vouloir m’écouter et comprendre qui j’étais réellement, j’ai encore du mal à comprendre mais je commence à avoir des complexes que je n’avais pas autrefois. Je ne trouve pas mon corps assez féminin alors que j’ai une silhouette très fine. Je commence à prendre des gestuelles efféminée et je me sens bien. Je m’habille plus fréquemment en femme et je me sens bien plus à l’aise. Je le cache à mes parents et parfois je tombe en dépression avec la honte, la culpabilité et surtout un mal être profond que je ne peux t’expliquer. Je ne m’assume pas et ne m’accepte pas, je ne sais pas pourquoi non plus. Je pense un jour pouvoir avancée dans ma vie et trouver le bonheur et me sentir moi même sans penser aux autres. En tout cas je l’espère et votre site m’aide à me comprendre un peu plus je vous en remercie 🙂
C’est le travail d’une vie, l’acceptation de soi. et ça aussi faut bien se le dire.
A chaque décennies son lot de remise en question, de travail sur soi, suis-je assez féminine ? etc.
Nous avons toutes des styles, des histoires, bien différentes. Ne perdons pas trop de force à vouloir ressembler aux canons de beauté (facile à dire lol) mais cultivons nos différences, nos nuances. la trans identité ne me semble pas pouvoir se résumer à une « recette ». Bien trop simpliste. On rentre dans une complexité de dosage entre masculin&féminin dont on ne soupçonne pas la richesse…